TOGO 2015 : La Francophonie dubitative, Gnassingbé met en garde contre un report et soupçonne Paris. Autopsie d’un scrutin risqué

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Au Palais présidentiel de Lomé II, on n’écarte plus la piste du complot. Un complot international pour éloigner Faure Gnassingbé du pouvoir ? 

Pour un président qui multiplie les conquêtes, une femme qui a des couilles est une femme de trop…

Pour un président qui multiplie les conquêtes, une femme qui a des couilles est une femme de trop… Mais F. Gnassingbe devrait faire avec la teigneuse M. Jean

Intimidations, colères, mises en garde, Faure Gnassingbé se lève contre un second report, alors que la Francophonie ne scrute plus que cette possibilité. Le gouvernement craint un vide constitutionnel et malgré la troisième voix (report substantiel avec la mise en place d’une transition concertée) sur laquelle glissent les chancelleries européennes et le Pnud, les prochains jours seront éprouvants pour le système électoral. Décryptage !

Au Palais présidentiel de Lomé II, on n’écarte plus la piste du complot. Un complot international pour éloigner Faure Gnassingbé du pouvoir ? Malgré l’insistance de son ministre des affaires étrangères pour le rassurer de la neutralité de l’Elysée, le président togolais n’a pas compris l’implication active de Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie et surtout, l’humiliation infligée par le président ghanéen qui n’a pas voulu laisser au gouvernement togolais la primauté de l’annonce du report de dix jours qu’il « a exigé« . Le président togolais lui avait proposé de ne pas faire personnellement l’annonce, histoire de ne pas en perdre le contrôle, il n’en sera rien.

John Dramani Mahama n’a pas fait économie du franc-parler caractériel qui le différencie. « Vous ne pouvez pas réussir des élections dans le contexte actuel, ce n’est pas possible » a-t-il insisté auprès d’un Faure Gnassingbé ébahi. Après 5 jours d’hésitation, le gouvernement qui avait souhaité un report de 4 jours, ne pourra pas ne pas accepter de repousser le scrutin du 15 au 25 avril. Le Togo jure qu’aucun autre report n’est envisageable. Quant à la Francophonie, « c’est la seule alternative qui s’impose dans le contexte actuel » murmure-t-on déjà à son Secrétariat, évoquant un report d’au moins trois mois. Lomé II multiplie des réunions de soir, entre fausse sérénité et douce panique…

Dans les coulisses d’un report

Pour que le gouvernement togolais, réuni en conseil extraordinaire des ministres, n’accepte le 27 mars dernier, de reporter le scrutin présidentiel, il a fallu plu que la bonne foi « suspecte » de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis dix ans et qui n’entend pas l’abandonner de si tôt. Contrairement à ce qu’on peut penser, à ce qu’on peut croire, le président togolais qui est arrivé au pouvoir en 2005 à la suite de la mort de son père s’est progressivement attaché aux privilèges et a pris, lentement mais surement, le contrôle total du pouvoir.

L’enrichissement dans la démesure, l’égoïsme exacerbé, la baignade sexo-pouvoiriste qui lui attribue la mainmise sur tout ce qui est « femelle » autour de lui, Faure ne manque aucun symbole du pouvoir sous les tropiques. Ayant ainsi pris goût aux fruits du pouvoir, il n’a plus en tête, selon plusieurs témoignages d’hommes et de femmes qui le côtoient, « que de rester, aussi longtemps que possible ». Il en a donné la preuve en évitant tout début de réformes et en se précipitant à organiser un scrutin qui n’a d’équitable que son envie de le remporter. Coute-que-coute. Mais il a rencontré « garçon », non ! Plutôt femme. La nouvelle secrétaire générale de la Francophonie n’entend pas de cette oreille. Elle a été scandalisée, lorsque, lui faisant le point de la situation au Togo, on lui apprend que « Lomé organise lui-même, sans financement extérieur son élection…« . « Pour des raisons de souveraineté » s’époumone le gouvernement, mais au fond, pour éviter une observation internationale qui peut être « gênante et incontrôlable« . Rapidement, la canadienne s’entretient au téléphone avec le président togolais, sa fermeté prouve au fils du père qui ne résiste point aux voix charmantes qu’elle a des couilles. Il le dira d’ailleurs pour en rire, mais il ne rira pas longtemps. Elle insiste pour que la recommandation du président ghanéen soit prise en compte. Et menace presque de ce que la Francophonie « entend suivre le processus à toutes les étapes« . Ce qui, pour le président togolais, confirme le complot d’avec Paris. Elle demande, par le réseau du Quai d’Orsay, que d’autres chefs d’Etat interviennent auprès du togolais et Alassane Dramane Ouattara, nouveau parrain de Faure Gnassingbé depuis la chute de Blaise Compaoré prie le Togo de « tenir compte des remarques pertinentes du président Mahama« . Comment Faure peut-il faire autrement quand, son « protecteur » escompté, Denis Sassou Nguesso ne répond plus normalement et que Blaise Compaoré, son mentor a fui Ouagadougou depuis, laissant en débandade le pouvoir et se réfugiant en Côte d’Ivoire ? Faure consulte ses proches et pour une fois, malgré l’opposition ferme de Charles Debbasch, il acceptera un report. Si le constitutionnaliste français proposait le dimanche 19 avril, Faure a compris qu’il faille plus pour calmer la tempête régionale et internationale qu’il crée et a décidé, en conseil de ministre, avant même que les membres du gouvernement ne se prononcent, de reporter au 25 avril. Il instruit, non pas le Premier ministre, mais Gilbert Bawara, ministre de l’administration territoriale de prendre les dispositions et de « demander à la Ceni d’en informer les populations ». Première victoire de l’opposition, première capitulation du régime !

Pourquoi le Togo ne peut pas éviter un second report ?

Le fichier électoral incriminé, fruit de la légèreté de la Ceni et de la volonté unilatérale de le tailler sur mesure comporte, selon les premiers constats des experts plusieurs défauts. D’abord, la question des doublons. Il en beaucoup, moins que les chiffres avancés par Alberto Olympio mais « au moins 100.000 » selon une source proche du dossier, « peut être le double » insiste la même source. En plus, l’augmentation du nombre de personnes inscrites est en pourcentage nettement supérieur dans les régions supposées favorables au pouvoir notamment les Plateaux et la Kara. Alors que les experts préparent une première mise au point, la mise en garde de Gilbert Bawara est à peine déguisée, « des recommandations oui, mais vous n’êtes pas habileté à demander un report » car selon le ministre togolais de l’administration, une telle demande ne peut émaner que de la Ceni. Un organe entièrement acquis au régime d’autant que 12 de se s17 membres sont soit du parti au pouvoir, soit favorables au président sortant. La pression est d’autant plus élevé qu’au départ, le pouvoir a choisi méticuleusement ses experts, en tout cas les a accrédités au compte-goutte. Triant soigneusement et excluant tout expert « suspect« . Un Français a dû s’en aller quelques jours après son arrivée. Malgré leurs nombreuses remarques, ceux qui sont retenus devront, s’ils tiennent à prendre part à la suite du scrutin, demander tout sauf un nouveau report. Il sera catastrophique selon Debbasch, conseiller et sorcier blanc qui n’a de cesse de mettre en garde son maître. Il faut, dans la situation actuelle, s’attendre soit à deux rapports des Experts dont un sera gardé secret pour le gouvernement, soit à des balbutiements dans la communication de la Francophonie si elle fait des concessions, lesquelles seront contre la démocratie. Faure Gnassingbé qui ne voudrait pas d’un second report devrait revoir sa position d’autant qu’il et le premier responsable de la situation. N’eut té l’appel de pieds du président de la Cour constitutionnelle, Abdou Assouma, lui aussi favorable au régime et rappelant les délais constitutionnelles, Faure et les siens seraient toujours accrochés à leur obstination à contrer les réformes plutôt qu’à ouvrir un débat conséquent sur l’avenir de la démocratie togolaise et les vrais enjeux d’un scrutin dont le mécanisme est construit pour qu’il n’y ait qu’un seul gagnant : Gnassingbé !

Faure a-t-il raison d’avoir peur de Paris ?

Depuis le discours de Dakar et une réticence supposée de l’ambassadeur de France à Lomé, Faure pense qu’un complot pourrait exister. Arrivé à Lomé à la rentrée diplomatique dernière, Marc Fonbaustier s’était montré « joviale » jusqu’au sommet de la Francophonie au Sénégal. Depuis, l’ambassadeur perçoit les divers discours de Hollande à Dakar comme un appel à une nouvelle politique étrangère. Mais à Lomé, on craint un rappel à l’ordre de la part du Quai d’Orsay. « Avec l’Elysée, le contact passe souvent bien mais les couacs viennent du Quai d’Orsay » aime à répéter le président togolais qui l’a lui-même en personne, une fois, confié à l’auteur de ces lignes. Mais malgré tout, Faure craint une manipulation française. Cela est-il possible ? Non, d’abord parce que, que ce soit en France ou aux Etats-Unis, aucun gouvernement de gauche n’a été efficace sur l’Afrique. Les grands projets de développement pour l’Afrique et les grands enjeux ont été l’ouvre de Républicains à Washington. Si la lutte contre le Vih sida, la tuberculose et le paludisme a été efficace ces deux dernières décennies, c’est à cause du plan Bush qui a constitué à en faire une priorité et surtout, à diviser par 20 le coût d’une moustiquaire qui est passé de 12.000f à 500f et qui est gratuit pour les nourrissons et les femmes enceintes. Du côté de Paris, l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir a suscité tous les espoirs en 1981. Il a pourtant fallu attendre une décennie pour lancer l’opération du vent de l’Est avec le discours de La Baule. Alors que la France officielle exigeait « une certaine démocratie« , des mercenaires parallèles œuvraient pour le contraire comme si la politique française ne peut être que e fruit ambigu d’actions et d’interactions contradictoires. Mais le pic, c’est avec François Hollande. Sur l’Afrique, il est nul ou presque. « Il ne connait pas grand-chose mais pire ne comprend rien » a confié à Afrikaexpress un colonel français de plus en plus en vue. Faute d’une politique africaine cohérente et adaptée, Hollande fait le jeu de l’armée, multipliant des réseaux parallèles d’influence militaire qui se partagent géographiquement le continent et le gère depuis le ministère de la défense. Yves Le Drian n’en est devenu que le porte-parole, poussant l’Elysée à recourir à l’usage de la force partout. Souvent dans la précipitation et sans une préparation idoine. Ayant compris cette faiblesse, les officiers français poussent le gouvernement à aller le plus loin possible, ce qui offre à l’armée un double avantage. Elle est mise en exergue pompeusement, et surtout, peut en profiter pour faire son image. Cette armée colonialiste et à plusieurs égards criminelle par le passé se rattrape en jouant la « secouriste » gentille de la « douce France« . Pis encore, le ministre des affaires étrangères n’est pas plus compétent. Ayant touché de l’argent pour des formations à Lomé et à Libreville avant d’être ministre (600.000 euros à Lomé pour une formation qui ne devrait pas coûter plus de 50.000, selon une source fiable et proche du dossier), Fabius se sait redevable. Pour dissiper ses limites, il fait de l’Ukraine, de la Syrie et de l’Iran ses priorités pour ne pas avoir à se confronter à son passé africain un peu trop tropicaliste. C’est le réal politique à la française ! Dans cette situation, Faure n’a pas grand-chose à craindre et même si Hollande a multiplié pressions et contacts pour obtenir l’élection, à Dakar, de la nouvelle secrétaire générale de la Francophonie, il est peu probable que la France soit derrière les injonctions « francophoniennes » alors que Paris balbutie sur l’essentiel de sa politique africaine. Le président togolais peut chercher la source de son mal ailleurs.

Le ver est dans le fruit… Risques et issues pour le Togo

Comment comprendre et accepter que le gouvernement togolais ne se lève que si tardivement pour aller à l’élection présidentielle ? Alors qu’il pouvait lancer le processus depuis longtemps, pour éviter la situation conjoncturelle des délais et dates, le système ne s’y est mis qu’au dernier moment. D’abord parce que le président togolais a souvent essayé et réussi le fait de tout faire tardivement et dans la précipitation. Il compte sur l’incompétence de son opposition pour y arriver, à tous les coups. Ensuite parce qu’autour de lui, se sont multipliés des réseaux qui ont d’autres intérêts que le salut de son pouvoir : se remplir les poches, si ce n’est les panses. Enfin parce que ne voulant pas aborder à fond la question des réformes, Faure a joué avec le temps et maintenant, c’est le temps qui joue contre lui. A cela il faut ajouter l’ambiance maison, qui fait qu’il ne fait plus confiance à personne. Il veut tout faire et tout suivre de près et ainsi, a accumulé des retards qui étaient évitables. Le parti-machine (Rpt, Rassemblement du peuple togolais) qu’il a hérité de son père et qui ne se serait jamais trouvé dans une telle situation a été remplacé par sa machine (Unir, Union pour la République) sur fonds de luttes sournoises internes et de conflits d’intérêts dont il a lui-même fait pétiller la flamme des années durant.

A force de tuer, à petits feux son opposition, Faure a créé une situation qui n’a de pareil dans aucun pays voisin. Il tue les acteurs politiques sans les remplacer, causant des vides trop abyssaux pour que ça dure. Ainsi, malgré le contrôle qu’il semble avoir de son armée, il risque, en humiliant les institutions et en les malmenant, d’arriver à une situation où seule un troisième larron peut faire l’affaire. Et à sa surprise, avec le soutien de son peuple qu’il a sciemment précarisé, il trouverait sur son chemin un petit officier qui sonnera la fin de la récréation. Si personne ne souhaite une telle issue, la situation nous y pousse tous. Montrant des limites sur la question de la fronde sociale, minimisant la force de son peuple et se recroquevillant dans les illusions sécurocrates de son armée, Faure crée la bombe qui l’emportera. Pendant qu’il fait enliser une situation qu’il aurait pu décanter en acceptant une partie des doléances de l’opposition, il pousse le Togo à ce que personne n’aurait souhaité : le crash ! Et dans ce cas, encore faudrait-il qu’il trouve un hélicoptère français pour, comme Compaoré, l’emporter en zone sure, ce n’est pas évident. Alors !

Togo : Pourquoi Faure Gnassingbé ne veut pas partir du pouvoir ?
MAX-SAVI Carmel

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