La crise malienne est arrivée à point nommé pour souligner l’inutilité et la perversité ontologique de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), dont les limites et insuffisances se révèlent aujourd’hui au grand jour. Alors que le Mali fait face à une double crise (menace de sécession islamiste) et institutionnelle (coup d’état mené par des militaires ignorants, caricatures de l’absence d’un véritable état de droit), la CEDEAO fait montre de ses manques de légitimité et de pouvoir.
Pouvait-il en être autrement, quant à sa tête siège un imposteur, maitre-ès rébellions et criminel de masse, lui-même installé à la tête de la Côte d’Ivoire par le truchement de l’action de la France putréfiée par le Sarkozysme, elle-même missusdominicus d’une communauté internationale, expression de l’hégémonie occidentale ? Aussi se pose la question de sa légitimité et de son poids politique.
Des factieux, fossoyeurs de l’Afrique tels que le brigand Alassane Ouattara ou l’assassin Blaise Compaoré ont-ils suffisamment d’autorité morale pour présider à la restauration d’un ordre constitutionnel préempté par une soldatesque de demi-lettrés ? Ont-ils suffisamment de poids politique et de respectabilité pour dispenser et des cours de démocratie ?
Eux qui ont accédé au pouvoir par les mêmes moyens, illicites et immoraux.
Eux qui ont les mains dégoulinantes du sang de leurs compatriotes?
Il est évident que la réponse négative s’impose.
De quel droit le peuple malien, aujourd’hui victime de l’incapacité prédictive de sa classe politique, et au-delà, de celle des Etats de la sous-région en matière géostratégique, pourrait-il accepter de recevoir de leçon de bandits de grands chemin et autres excréments du tout politique africain ?
Le demi-tour de l’avion d’Alassane Ouattara le Jeudi 29 mars, empêché d’atterrir à Bamako pour cause de manifestation sur le tarmac de l’aéroport, est l’illustration de la considération dont jouit le préfet-sident ivoirien en Afrique de l’Ouest…
La CEDEAO n’est qu’une coquille vide, celle d’un œuf pourri, pondu par un démon, calque irréfléchi du déni de la souveraineté populaire occidentale (la vision du fonctionnement anti-démocratique des institutions européennes qu’il singe de façon éhontée est à ce titre éclairante). De ce terreau impie, où germe une vision politique supranationale dévoyée de l’Afrique de l’Ouest, que peut-il émerger à part gesticulations et déclarations de principes sans effets alors que le maître blanc n’investit pas ses moyens de coercition comme il a pu le faire en Côte d’Ivoire ? Rien, comme il est aisé de constater jour après jour, au fil des développements de la crise malienne. Que peut-on attendre de ce corps mort, repaire de présidents mal élus, d’assassins et de violeurs avérés de constitution ? Rien également.
Et pourtant, au même moment, des combattants islamistes soutenant les bandits touaregs conquièrent ville après ville, dans un pays aux mains d’une junte pathétique et grand-guignolesque.
L’équation était pourtant simple à résoudre et peut-être souhaitée. Les métastases de la guerre scélérate menée par un Occident criminel en Libye, ne pouvaient qu’atteindre le Mali. Les bandits touaregs, acoquinés à l’internationale terroriste islamique, alliée objective de l’Occident, ayant fui une Libye, dévastée et désormais morcelée, avec armes et bagages, avaient vocation à troubler l’équilibre du Mali. Seuls les chefs d’Etat de la sous-région, doigt sur la couture et obéissants laquais de l’Occident, ne l’avaient pas compris.
En livrant Khadafi aux présidents-voyous Barack Obama, David Cameron et Nicolas Sarkozy, ils condamnaient la sous-région à des guerres de moyenne ou basse intensité, coûteuses en vies humaines. Les Etats toujours fragiles nés des indépendances, au motif d’un respect aveugle du principe d’intangibilité des frontières que le simple bon sens ne pouvait que réprouver, ne pouvaient qu’en payer le prix.
Il est difficile de surcroit de ne pas deviner l’ombre d’une France moribonde en Afrique, derrière les revendications sécessionnistes du Mouvement national pour la libération de l’Azawad, ayant pignon sur rue et l’oreille des autorités parisiennes.
Le tableau est aujourd’hui alarmant. L’Etat malien n’est pas ou pas grand-chose, les rebelles touaregs et leurs alliés terroristes de l’AQMI, qui ressemblent étrangement à un bras armé de l’Occident, ont investi la ville de Kidal dans le Nord-Ouest du Mali et se rapprochent de Tombouctou.
La CEDEAO est bien entendu aux abonnés absents, tandis que la situation se détériore inexorablement.
Alors qu’un Etat malien fort et déterminé aurait dû répondre par une riposte militaire, sans merci et radicale, à la sédition islamiste et terroriste, les institutions sont en sommeil, bloquées par une équipe d’imbéciles en treillis, incapable d’assumer un commandement militaire adéquat.
Quelle va être la réaction des ectoplasmes gérant la CEDEAO ?
De quels moyens militaires celle-ci dispose-t-elle pour ordonner une action militaire ciblée et nécessaire à l’expression inquiétante du fondamentalisme islamique, créée et financée depuis de longues années par les services secrets occidentaux, menaçant à présent l’Afrique de l’Ouest ? Ses pays membres, incapables de faire face aux besoins essentiels de leurs propres populations peuvent-ils financer une expédition militaire, dont l’Afrique de l’Ouest ne peut se passer ? Vont-ils miser sur un pourrissement de la situation et une médiation occidentale, synonyme de diktat post-conférence de Berlin, amenant à une gestion des affaires continentales à l’instar de ce qui est advenu en Côte d’Ivoire et en Libye ?
Les politiques menées en dépit du bon sens par les élites africaines ces trente dernières années, leur soumission à l’Occident, sont là explicitées sous leurs aspects les plus crus. Voici donc les causes désespérantes et semble-t-il inchangées : l’absence de prise de décision et de prospective le dispute à un bradage des souverainetés africaines aux volontés de maîtres extérieurs. Elles entrainent les mêmes effets et consacrent les mêmes victimes: les populations civiles et le développement de l’Afrique. Les grands enfants-dirigeants, maquereaux de la terre africaine, responsables mais non comptables, ont une fois de plus démontré la nécessité de leur remplacement et d’un changement de paradigme des politiques internes et internationales devant prévaloir sur le continent.
Des réponses ne pourront être apportées qu’à moyen, voir long terme.
Parallèlement, la situation dramatique frappant le Mali demande à l’évidence une réponse immédiate et énergique. Elle ne viendra certainement pas, ou ne sera pas du fait des Etats africains, trop faibles et dépendant de volontés extérieures. Les mouvements et la gestion de populations martyrisées par les combats et fuyant ces derniers, seront sans aucun doute de la responsabilité de ceux-là même qui les auront provoqués, de façon directe ou indirecte, par leur volonté hégémonique en Afrique.
Les pantins de la CEDEAO misent de toute évidence sur une reprise en main de la désormais adoubée « Communauté internationale », du moins lorsque celle-ci le jugera opportun. La crise institutionnelle malienne elle, sera réglée à la vaille que vaille. Qui se soucie du fait que les élections prévues dans quelques semaines aient été renvoyées aux calendes grecques ? Qui se soucie que des pieds nickelés pitoyables aient pris de force le commandement de l’Etat malien ? Qui se soucie de la situation des habitants du pays ? Autant de questions qui ne trouveront de réponse que dans l’empirisme et l’à-peu-près, selon une tradition bien établie sous les cieux africains par une classe dirigeante indigne et incompétente.
La CEDEAO, en ne répondant pas à ces interrogations, perd le peu de crédit que seuls les fous pouvaient encore lui accorder. A l’instar de l’UA(Union Africaine), elle est l’expression des insuffisances africaines et l’image fidèle reflétée par le miroir du temps d’un échec continental, visant à l’édification d’un modèle politique puisant ses sources dans une histoire institutionnelle et politique exogène.
Alors que les BRICS, réunis à New Delhi, planchaient sur une alternative à la gouvernance mondiale imposée par l’Occident, au moyen de la mise en place d’institutions bancaires concurrentes du FMI et de la Banque Mondiale, chargées de financer les projets de développement des pays du Sud, l’Afrique n’en finit toujours pas de sortir du bourbier dans lequel ses indépendances factices et téléguidées l’ont plongé.
La guerre civile malienne et la crise institutionnelle qui en est le fruit, devraient amener à une réflexion approfondie du principe d’intangibilité de frontières héritées de la décolonisation, et surtout de la bonne gestion des entités politiques, nationales et supranationales africaines. Une Afrique sans tête est de l’intérêt de ses anciens et toujours présents maîtres, pas de celui des africains. Sans cadre de pensée général, seuls les errements passés seront dupliqués, à l’exclusion de toute amélioration du sort des populations. Cet objectif, finalité de toute action politique réfléchie, est délaissé sans aucun scrupule par nos (ir)responsables politiques. Il nous faut donc nous en débarrasser tout en posant les bases d’une vision du continent progressiste et ambitieuse.
La fatalité est une impasse. Prenons-en conscience…
Ahouansou Séyivé